Résumé de l’article
La perception du prix est tout aussi importante que le prix lui-même. C’est le constat que dressent des chercheurs américains (Sandeep Heda, Stephen Mewborn, Stephen Caine) dans le cadre d’une étude Bain (1) portant sur le positionnement tarifaire de chaines de magasins. L’étude fait prendre conscience des risques liés à des baisses de prix incontrôlées. Même si l’exemple des magasins est éloigné du monde des consultants, des analogies sont possibles et remettent en cause le penchant naturel de céder trop facilement sur les prix, comme en offrant des baisses sur son TJM (taux moyen journalier). Enfin, même dans un environnement concurrentiel mené par les prix, la baisse tarifaire générale n’est pas toujours la solution.
Attention, le prix bas est une arme destructrice
Des guerres des prix éclatent dans de nombreux secteurs notamment dans les industries grand public. Des leaders de la distribution ont choisi l’arme des prix pour se différencier de la concurrence, tels Aldi et Walmart. Idem dans des secteurs aussi variés que la gestion d’actifs, les compagnies aériennes ou les télécoms : des sociétés choisissent de casser les prix afin d’emporter des parts de marché ou gagner de nouveaux clients.
Pour ces compagnies, l’effet recherché est souvent une stimulation ponctuelle des ventes, même si pour certaines, l’argument du « prix le plus bas » est une stratégie structurelle.
Réflexion # 1 : Le constat est souvent que l’entreprise agit plus sous la pression concurrentielle et casse ses prix sans calcul de rentabilité. Une réduction de tarif devrait découler d’une analyse rigoureuse, aussi poussée que pour un investissement dans un projet, un produit.
Prix bas : qui mesure vraiment l’impact ?
Toutes les entreprises veulent être perçues comme « meilleur marché ». Même avec une offre prix identique à ses concurrents, un magasin souhaite toujours être perçu comme « moins cher ». Il va donc ponctuellement, baisser certains de ses prix en imaginant travailler son image « discount ».
Dans cette course générale, chacun baisse ses prix afin de provoquer chez le client une modification du comportement d’achat vis-à-vis du produit ou de l’enseigne. Mais ce qui est contradictoire, c’est que personne n’en mesure vraiment l’impact. La raison est simple : tout le monde sait qu’un client a de grande chance de ne pas remarquer quand un prix en particulier baisse.
Réflexion # 2 : L’entreprise ne peut pas vérifier qu’un client perçoit toujours une baisse de prix précise mais elle devrait au moins s’assurer que dans l’esprit du client son image de discounter s’améliore.
Les gagnants et les perdants dans la bataille des prix
Le Cabinet Bain (1) a récemment interrogé 2,200 consommateurs à Atlanta et Washington sur les prix pratiqués dans huit chaînes de magasins. Les résultats ont montré que la perception du positionnement prix des enseignes était décorrélés du prix réel constaté dans les rayons.
Par exemple, à cause de son design (magasin et produits), une enseigne a été positionnée dans l’esprit des acheteurs comme haut de gamme alors que son offre réelle était la plus discount ! L’ambiance du magasin, le packaging ont donné l’impression au client qu’ils payaient plus cher.
Cette enseigne dont l’offre n’est pas perçue comme discount, aurait tout intérêt à relever légèrement ses prix au niveau de la moyenne générale.
Réflexion # 3 : La façon dont on présente son offre influence la perception et l’image prix. Il existe un décalage entre le positionnement prix réel et la perception par le client.
La concurrence renforce l’importance de la perception des prix
La concurrence sur les prix est renforcée par les comparateurs de prix sur internet. Dans certains secteurs -banque, assurance, hôtels- le consommateur a l’impression de pouvoir facilement comparer, choisir, voir changer de prestataire quand il le souhaite, tout en tirant parti de la situation sur le plan financier.
Il a donc adapté son comportement en organisant son infidélité : son budget est structurellement partagé entre différents fournisseurs afin d’être sûr d’obtenir toujours la meilleure offre. L’enquête Bain montre d’ailleurs que la moitié des dépenses mensuelles des consommateurs interrogés se réalise en dehors du magasin principal.
Dans la réalité, le pouvoir du consommateur est ponctuel et limité à certains secteurs. Il ne peut en permanence trouver la meilleure offre prix et il se fie aussi en grande partie à l’image discount qu’il se fait des enseignes.
Réflexion # 4 : La façon dont on présente son offre influence la perception et l’image prix. Paraitre « moins cher » ne signifie pas toujours être moins cher.
Quelle stratégie prix choisir ?
Comment développer une image prix avantageuse aux yeux de ses acheteurs, et ainsi gagner en opportunités commerciale et en fidélisation ?
Les entreprises peuvent s’engager dans quatre actions :
• Se positionner sur une offre de prix globalement basse, (la technique du « everyday low price »),
• Travailler sa communication et afficher une offre de prix forte sur certains produits seulement,
• Mettre en place des offres imbattables, ponctuelles et saisonnières,
• Adapter son offre selon l’expérience terrain, le profil d’acheteur.
De plus, la stratégie peut s’enrichir de plusieurs tactiques qui ont fait leur preuve :
• Le design des prix, sachant qu’un prix « rond » semble toujours plus cher qu’un prix en dessous de la dizaine ou de la centaine (ex : 495,5€ ou 499€ offrent une image plus discount que 500€),
• La mise en forme (forme, couleur) et la signalisation des prix (prix barré, économie réalisé en pourcentage) sur internet ou sur le papier joue aussi un rôle dans la perception discount,
• Les offres de réductions, comme un coupon, un bon à valoir sur une offre,
• Un assortiment plus large, plus adapté, avec des variations de prix sur des produits en phase avec les moments d’achats clés.
Un magasin traditionnel qui travaille avec des acheteurs aux revenus confortables aura tout intérêt a proposer une offre de produits élargie et chercher à développer une image qualitative. Il devra éviter les offres promotionnelles massives comme les coupons valables sur l’ensemble de l’assortiment.
Au contraire, il devra travailler son positionnement prix de façon ciblée, sur des produits essentiels à la fidélisation. Il devra se créer une image qualité-prix juste mais pas forcément discount, puisque de toute les façons, la perception du consommateur ne le permettra pas.
A l’opposé, un magasin (hard-) discount qui offre des produits sous sa propre marque peut influencer la perception de prix bas. Son assortiment est plus court et l’ensemble général (magasin, packaging) donne une image discount.
Réflexion # 5 : Il existe beaucoup plus de stratégies de positionnement prix qu’on ne le pense généralement et la baisse générale de prix n’est pas la seule solution.
Méthode à suivre pour l’amélioration de la perception prix de son offre
Pour déterminer la bonne tactique, l’entreprise doit d’abord comprendre les ressorts d’achats de ses consommateurs et la perception prix qu’ils ont de son offre.
La méthode d’analyse recommandée est la suivante :
1. Comparer ses prix (produits ou services identiques) à l’offre des concurrents en effectuant un relevé physique de prix,
2. Évaluer via des enquêtes consommateur, si ces derniers perçoivent ou non les écarts de prix constatés lors des relevés,
3. Identifier lors de visites en magasin et d‘enquêtes complémentaires quels sont les facteurs qui influencent le plus la perception prix, jauger l’influence des différentes tactiques développées au niveau de la présentation des prix, des campagnes promotionnelles, des coupons de réductions…
4. Si les consommateurs perçoivent les prix d’une chaîne de magasins comme moins chers, alors qu’ils ne le sont pas, l’analyse doit se centrer sur la tactique qui conduit à cette « perception prix » favorable,
5. Établir un plan d’ajustement de prix, associé à la mise en place de tactiques indirectes pour fidéliser les clients et créer une image prix positive.
Réflexion # 6 : Choisir son positionnement prix doit relever d’une vraie stratégie.
Cas d’école
L’expérience d’un détaillant d’habillement discount européen (de type Zara ou H & M) illustre la puissance d’un programme de perception des prix rigoureux.
Face à une forte concurrence de magasins discount, le détaillant a dans un premier temps réduit l’ensemble de ses prix, à tous les niveaux. Malheureusement, ses clients n’ont pas perçu le changement de positionnement prix et le détaillant n’a pas réalisé l’augmentation prévue dans le volume des ventes.
Il a alors choisi une approche plus nuancée. Dans un processus semblable à l’approche d’enquête décrite plus tôt, le détaillant a comparé ses prix avec ceux de ses concurrents. Il a découvert que les consommateurs percevaient les prix de l’enseigne comme plus élevés, du fait que sa gamme était plus large que celle des concurrents.
L’entreprise a ensuite découvert que ses clients étaient plus sensibles au prix sur certaines catégories de produit, comme celles des T-shirts d’enfant.
Le détaillant a défini de nouveaux « rôles » pour des catégories de produit, basées sur les perceptions prix avec:
• Des produits ont pour but, via une offre prix agressive, de créer du trafic magasin,
• d’autres produits, vendus sans discount, contribuent à l’amélioration des marges
• les gammes de produits ont été réduites afin de limiter par catégorie les niveaux de prix différents.
Avec une stratégie contrôlée, le détaillant a amélioré sa rentabilité de 1 %.
Réflexion # 7 : Plutôt que se distinguer avec des prix moins élevés, un consultant peut avoir intérêt à travailler sur la perception lui donnant une image de « bon rapport qualité prix »
(1) Bain / Entreprise et Services de Conseil ROI (anciennement PollBuzzer)
- « Perception Beats Reality in Pricing », December 15, 2016 Bain Brief
- [Cet article est une traduction libre d’un article de Harvard Business Review du 03 janvier 2017: voir l’article]. Une source de réflexion utile pour les Consultants indépendants à l’heure de déterminer leur stratégie prix pour 2019 !