[Interview] Lorsqu’on négocie une mission, il faut rester ferme sur son prix et contrer les objections du client sur d’autres terrains. Paradoxalement, c’est souvent sur le volet tarifaire qu’on lâche du lest. Négociateur aguerri, Jérôme Buche, directeur de l’agence RH Solutions Bordeaux, livre ses conseils pour ne pas tomber dans ce travers.
Avant de signer une mission, il faut déjà négocier son prix. Visiblement, ce n’est pas toujours simple…
Non, c’est même parfois compliqué. En particulier pour des consultants, récemment installés en portage salarial, qui sont des experts reconnus dans leur métier, mais qui n’ont jamais eu à se vendre durant leur carrière.
D’où vient la difficulté ? Elle tient à notre perception des choses. Face à un interlocuteur réticent à accepter les conditions qu’on lui propose, on a tendance à croire que ce refus tient à la question du prix. Résultat : on baisse ses prétentions pour remporter le contrat, alors même qu’on pourrait faire valoir d’autres arguments pour justifier son tarif.
Comment ne pas tomber dans ce piège ?
Il faut se dire que, dans toute négociation, quel que soit l’acheteur, il y a forcément des objections. C’est inévitable, car elles font partie intégrante du processus de négociation. Même si elles restent parfois de pure forme.
Etre conscient de cela permet de voir les choses avec du recul et de ne pas se focaliser d’emblée sur la question du prix.
Il faut aussi avoir à l’esprit que les objections ne sont pas forcément négatives. Au contraire, elles dénotent de l’intérêt. Lorsqu’on se contente de vous écouter débiter poliment votre argumentaire sans réagir, c’est mauvais signe.
Pour simplifier les choses, pourquoi ne pas surestimer son tarif, quitte à consentir ensuite un rabais au client pour retomber sur ses pieds ?
C’est un calcul à courte vue. Le tarif d’un consultant reflète sa valeur sur le marché. Si l’on accepte de baisser son prix, on se dévalorise implicitement aux yeux du client. Il est bien plus payant de fixer son prix de manière juste et équitable, puis de le défendre. C’est un gage de crédibilité.
Quitte à prendre le risque de passer à côté d’un contrat dont on aurait pourtant grand besoin ?
Cette règle de conduite n’exclut pas une certaine souplesse. Un jeune consultant qui débute peut avoir intérêt à consentir un effort tarifaire pour remporter une mission et conforter son démarrage. Idem pour un consultant, à qui il manque quelques jours de facturation pour boucler son objectif de chiffre d’affaires annuel, s’il n’a rien d’autre à se mettre sous la dent.
Cependant, et il est important de le rappeler, si l’on fait une concession tarifaire, il faut toujours obtenir une contrepartie. Par exemple, en rabotant la durée de la mission, ou en demandant un paiement comptant plutôt qu’à 30 ou 60 jours, voire un accord d’intention pour une mission ultérieure. Enfin, il faut bien faire comprendre au client qu’on lui consent une faveur. Trop de consultants l’oublient, ce qui les pénalise par la suite.
Sur quels arguments peut-on s’appuyer pour justifier son prix et le défendre ?
Ce ne sont pas les bonnes raisons qui manquent. Mais pour cela, encore faut-il savoir écouter son client, pour trouver des points d’accroche à même de contrer ses objections. Lorsqu’ils sont en situation, les consultants n’ont pas toujours ce réflexe. En étant attentif, on peut pourtant trouver de nombreux arguments.
Votre client vous dit que vous êtes trop cher ? Demandez-lui par rapport à qui et à quelle prestation, pour mieux vous démarquer de vos concurrents.
Il est pressé, et veut quelqu’un en urgence ? Vous pouvez vous rendre disponible rapidement, mais cela a un prix.
Il recherche un ingénieur capable de parler allemand ? Vous avez cette double compétence, mais forcément cela se paie.
Quand faut-il aborder la question du prix ?
Toujours à la fin de l’entretien. Avant d’attaquer ce sujet, il faut laisser le temps au client de formuler son besoin, puis dérouler soi-même le contenu de sa prestation, pour que chacun ait toutes les informations en main, avant d’aborder la question du prix. Si l’on vous pousse malgré tout sur ce terrain, répondez simplement : « Le prix ? Je vais y venir, mais d’abord, permettez-moi de vous vous expliquer ce que je vais faire pour vous ».
N’oubliez pas : durant toute la négociation, c’est vous qui devez garder la main, et décider à quel moment vous allez parler argent, de manière à pouvoir positionner vos pions au mieux de vos intérêts.
RH Solutions
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